L’Abbaye de Moissac, chef d’œuvre de l’art roman, est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 1998 au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Étape incontournable sur le chemin, de nombreux pèlerins viennent chaque année pour visiter l’ensemble abbatial.
L’UNESCO et le patrimoine mondial
L’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture) naît au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, avec pour objectif la création d’un mouvement international pour préserver le patrimoine. Les destructions opérées durant le conflit sont à l’origine de la prise de conscience de la valeur universelle du patrimoine et de la nécessité de préserver l’héritage de nos ancêtres pour le transmettre aux générations futures.
Les opérations internationales des années 1960-1970, certaines très médiatisées, pour préserver des patrimoines inestimables comme le temple d’Abou Simbel ou Venise en Italie, permirent de faire progresser la connaissance locale comme internationale ainsi que de faire émerger la notion de patrimoine commun de l’humanité et de préparer la convention du patrimoine mondial de 1972.
De fait, depuis 1972, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine mondial culturel et naturel définit les sites naturels ou culturels qui méritent d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.
Ces sites inscrits sont ainsi investis d’une Valeur Universelle Exceptionnelle. Leur perte serait irremplaçable pour la compréhension des cultures, des civilisations et de l’environnement humain.
En signant la Convention, chaque pays s’engage à assurer la bonne conservation des sites du patrimoine mondial situés sur son territoire et à coopérer au plan international pour aider à la sauvegarde du patrimoine. La Convention encourage les Etats parties à sensibiliser le public aux valeurs des biens du patrimoine mondial et à améliorer leur protection par des programmes d’éducation et d’information.
En 2020, 1121 sites dans le monde sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. La France en compte 45, parmi lesquels les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle en France .
Chemins de Saint-Jacques de Compostelle d’hier et d’aujourd’hui
Le pèlerinage existe dans toutes les religions. Au sens large du terme il s’agit d’un voyage vers un lieu sacré où l’on croit qu’un contact le divin est possible. Le lieu en question peut revêtir différents aspects : lieu naturel, temple consacré par une divinité, lieu sanctifié par la présence ou les actions d’une personne ou encore lieu d’inhumations. Dans le christianisme, le pèlerinage désigne spécifiquement le fait de se rendre dans un lieu saint ou dans un sanctuaire c’est-à-dire dans une église possédant des reliques.
Parmi les grands centres chrétiens, les trois plus importants sont Jérusalem, Rome et Saint-Jacques de Compostelle. Les reliques de Saint Jacques sont découvertes au 9ème siècle et le pèlerinage connaît son apogée entre le 12ème et le 15ème siècle.
Le pèlerinage médiéval est cependant bien différent de celui que l’on connaît actuellement. En effet les pèlerins ne se rendent pas que dans un seul sanctuaire, chaque église sur leur parcours étant un point d’arrêt potentiel. De fait les pèlerins médiévaux cherchent avant tout à rejoindre des itinéraires fréquentés pour limiter les agressions potentielles, traverser fleuves et rivières à gué et s’arrêter dans des villes fermant la nuit. Une part non négligeable d’entre eux se rendent d’ailleurs à Saint-Jacques de Compostelle par mer.
C’est à partir des années 50 que s’opèrent un renouveau des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle, sous l’impulsion de la Société Française des Amis de Saint-Jacques de Compostelle. Les historiens et archivistes de la Société redécouvrent le Codex Calixtinus, un texte conservé à Saint-Jacques de Compostelle mais peu diffusé au Moyen-Âge. Un auteur anonyme y décrit 4 voies françaises partant chacune d’un grand sanctuaire : Saint-Martin de Tours, La Madeleine de Vézelay, Notre-Dame du Puy et Saint-Gilles du Gard. Ce sont ces 4 voies, à l’origine littéraires et symboliques, qui sont recréées et balisées par les chemins de randonnées à partir des années 1970.
C’est une sélection de 71 monuments, dont 7 ensembles monumentaux, et 7 sections de sentier qui a été inscrite au patrimoine mondial de l’humanité le 2 Décembre 1998. Tous témoignent des différents aspects du pèlerinage : spirituels et matériels mais également le contexte médiéval du pèlerinage. Les éléments inscrits sont répartis dans 10 régions, 32 départements et 95 communes et sélectionnés pour évoquer l’étendue géographique du pèlerinage, sans la reconstituer pleinement. Les édifices sélectionnés présentent une grande diversité de styles architecturaux, de solutions d’aménagement des lieux ou des exemples de mobiliers servant à la dévotion aux saints.
Moissac et Compostelle
Un document, daté du 12ème siècle, fait l’inventaire - fort long – des reliques possédées par l’Abbaye de Moissac, dont celles de Pierre probablement présentées dans la cavité creusée au sein même du chapiteau consacré à son martyr dans le cloître. De fait il est très probable que l’abbaye faisait l’objet de pèlerinages de la part des fidèles, bien que les sources restent muettes sur l’ampleur du phénomène. Et bien que l’abbaye soit mentionnée comme étant sur la Voie du Puy-en-Velay, les archives et les connaissances actuelles ne nous apprennent rien sur l’importance du pèlerinage jacquaire à Moissac.
Saint Jacques est néanmoins présent dans les images du cloître. Il est sculpté à côté de son frère Jean sur l’un des piliers d’angle et représenté en apôtre, pieds nus, vêtu d’une chasuble et tenant un phylactère. C’est la plus ancienne représentation connue du saint à Moissac. Ce n’est pas la seule car l’Église Saint-Martin abrite des peintures murales du 15ème siècle où figure l’apôtre en habit de pèlerin. Des coquilles Saint-Jacques ont d’ailleurs été retrouvées dans des sépultures autour de l’église et ayant probablement appartenues à des pèlerins. Enfin l’abbatiale abrite une statue en bois du 17ème siècle où le manteau et le chapeau de Saint-Jacques sont ornés de la fameuse coquille.
La ville possédait également une confrérie dédiée à Saint Jacques le Majeur, créée le 25 Juillet 1523, siégeant – entre autres lieux – dans l’Église Saint-Jacques de Moissac et dont on peut retracer l’histoire jusqu’en 1671. La confrérie avait la particularité d’être réservée à ceux qui avaient effectué le pèlerinage jusqu’à Compostelle et pouvaient en apporter la preuve, par tout document justifiant du chemin parcouru. En outre, chaque 25 Juillet (jour de la Saint Jacques), les confrères s’assemblent avec chapeaux et bourdons. Cela donne également lieu à une procession commune avec les moines de l’abbaye depuis celle-ci jusqu’à l’Église Saint-Jacques où une messe a lieu.